Underdog

Un premier livre impressionnant de maîtrise qui conjugue, avec maîtrise, le roman et la biographie d’un acteur mythique.

Dans la vie, Richard doit faire avec ce qu’il a. Soit pas grand-chose. Pas de grande famille, pas d’héritage, pas de diplômes, pas de « réseau »… Mais Richard possède mieux que tout cela : une vision de l’existence, une philosophe de vie. Il l’a forgée en regardant les films et en lisant les interviews de Sylvester Stallone. On peut ironiser mais ce n’était pas une si mauvaise idée finalement. La preuve : Richard aura un parcours hors-normes, tour à tour employé dans un hôtel, ferrailleur-gangster au sein d’une bande de gitans puis homme d’affaires à New York. Il connaîtra les assiettes vides et les menus gastronomiques, la dèche (la vraie) et la fortune (la vraie). Tout comme Stallone qu’il regarde et relit sans cesse, « Sly », l’éternel "underdog", l’éternel outsider.
Avec ce livre, Bruno Marsan fait son entrée en littérature sur un coup de maître. On pourrait même écrire un double coup de maître car ces pages contiennent deux romans d’apprentissage : celui de Richard et celui de Stallone, l'un répondant constamment à l'autre. Et dans ce jeu de miroirs se glisse aussi un grand texte sur l'admiration, sur le rôle que jouent les œuvres que l'on admire depuis l'enfance. Avec une surprise de taille pour le lecteur qui n’y est pas préparé : chaque propos de Stallone rapporté dans le livre est sidérant de justesse, d’intelligence, de lucidité critique.
Underdog réalise, avec un naturel déconcertant, une sorte de fusion entre plusieurs veines littéraires. S'enchaînent ici un grand roman "rural" – à la façon des Vies minuscules, de Pierre Michon -, un récit réaliste, brutal et parfois drôle comme une Série noire, un grand roman new-yorkais, puis un texte plus désabusé, mélancolique et intime.
Si l’ensemble ne cède jamais à l’éparpillement ou au collage, c’est parce que l’écriture fait le lien entre ces différents registres. Fluide, prenante, extrêmement maîtrisée, la plume de Marsan fait vivre et ressentir chaque situation. Il serait vain de chercher des superlatifs inédits ou des compliments alambiqués. Underdog est tout simplement un immense roman.